Les jours d'après. Contes noirs by Jérôme Leroy

Les jours d'après. Contes noirs by Jérôme Leroy

Auteur:Jérôme Leroy [Leroy, Jérôme]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Table Ronde
Publié: 2015-03-08T23:00:00+00:00


3. COLOMBEY-LES-DEUX-ÉGLISES,

LA BOISSERIE, 13 FÉVRIER 1967

— Mais enfin, Malraux, ce sont des billevesées. J’ai autre chose à craindre que ce péril jeune, non ? dit le Général, assis dans son fauteuil club et caressant Ringo de Balmalon, son superbe chartreux qui ronronnait voluptueusement.

La neige enveloppait La Boisserie. Toutes les routes de la Haute-Marne étaient coupées et pourtant Malraux, conduit par Géo Paquet, avait réussi à passer. Il faut dire que le Gorille était un chauffeur hors pair.

Dans le salon, les trois hommes fumaient. Le Général avait fait ouvrir une bouteille de Drappier, son champagne préféré. Un Zéro Dosage. Monocépage. Un délice.

— Mon général, vous savez comme moi que les Américains nous en veulent à un point difficilement imaginable. Notre stratégie nucléaire « tous azimuts », notre politique arabe, et puis vous êtes en train de reprendre la main sur le plan intérieur. Votre idée de la Participation, c’est la troisième voie dont nous avons toujours rêvé. Il faut penser à un rapprochement avec le Parti communiste. J’en ai parlé à Duclos, il est du même avis. C’est le seul moyen de contrer les technocrates de Pompidou, le seul moyen de sauver le gaullisme…

— Les communistes, tout de même, Malraux…

— Vous savez bien qu’entre les communistes et nous, il n’y a rien ! La France de demain vous la voyez avec des Giscard, des Pompidou, des Lecanuet, des Mitterrand, mon général ? Tous atlantistes jusqu’à la moelle. Non, il faut les contrer très vite. Jouer sur leur terrain. Allez vers la jeunesse, faites comme Mao : feu sur le quartier général ! Ne laissez pas ce… ce comment s’appelle-t-il déjà, Paquet ?

— Cohn-Bendit, monsieur le ministre.

— Ne laissez pas ce Cohn-Bendit vous voler la vedette, je vous en conjure, mon général.

— Paquet, vous m’offrez une de vos Muratti ? demanda de Gaulle.

— Bien sûr, mon général, dit Géo en se levant à demi et en tendant ses cigarettes italiennes.

Malraux était dévoré par les tics et continuait de parler :

— La révolution culturelle, mon général. La révolution culturelle pour éviter la confiscation du gaullisme comme Mao est en train d’éviter la confiscation du maoïsme.

— Vous en pensez quoi, Paquet ? Je n’oublie pas que c’est un peu grâce à vous que j’ai retrouvé le pouvoir en 58… {1}

— Je ne suis qu’un exécutant, mon général, je…

L’explosion qui vint du dehors ébranla toute La Boisserie. Ringo de Balmalon quitta les genoux du Général et alla se réfugier sous la table basse. Malraux renversa son Drappier sur son pantalon et Géo se précipita dehors.

La DS du Général était en flammes.

Bill Spread évidemment.

Il n’avait même pas la patience d’attendre que sa marionnette rouquine se mette en branle.

— Yvonne n’a rien… dit le Général qui était sorti à son tour alors que les premiers gardes du corps s’activaient autour de la voiture avec des extincteurs.

— J’en suis heureux, mon général, mais il va falloir redoubler d’attention.

— Certainement, Paquet, certainement. Mais votre Cohn-Bendit, je n’y crois pas vraiment. Malraux s’exalte vite, vous savez. Comme tous les génies. Allez rentrons, voulez-vous, il fait décidément très froid.



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